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dimanche 29 janvier 2012

B. - ÉTUDE GLOBALE

1) Action sur le sujet normal. - Classiquement, elle est très peu importante à doses modérées et, à fortes doses, elle expose aux accidents d’hypervitaminose D. HOUET, en 1951, ayant particulièrement étudié ce problème, écrit qu’il n’observe pas d’action sur le calcium et le phosphore fécaux chez le sujet normal après administration de vitamine D mais il observe néanmoins une augmentation du calcium et du phosphore urinaires. Nous avons effectivement

observé, avec GENTIL et HENNEMANNE, que chez nos sujets normaux, l’action de la vitamine D était peu importante, mais elle est cependant notable. C’est ainsi que nous avons noté que la calcémie augmentait de 3,1%, la phosphatémie augmentait de 20%, ce qui est tout de même assez important, la calciurie augmentait de 12%, la phosphaturie de 5,5% et la diurèse, comme nous l’avons déjà dit, de 38%. Cette action associée sur la phosphatémie et la phosphaturie aboutit à une diminution de la clearance phosphatée qui atteint 21%, fait qui mérite d’être signalé.

Quelle interprétation donner à ces observations ? Nos sujets témoins étaient tous des nourrissons de 2 à 14 mois. Certes, ils n’avaient aucun signe ni clinique, ni radiologie, ni biologie de rachitisme. Mais tout se passe un peu comme si ces nourrissons étaient à la limite de la carence et l’on peut se demander une fois de plus où finit le normal et où commence le pathologique.

2) Mécanisme de la carence. - On est alors amené à envisager le mécanisme du rachitisme sous un angle assez différent de l’angle sous lequel il est en général considéré par les auteurs classiques.

Une première conséquence est soulignée : tout au long de l’étude de la physiologie de la vitamine D, on se heurte à la parathormone. Il est donc impossible, semble-t-il d’échafauder une théorie correcte du rachitisme sans faire intervenir le fonctionnement des parathyroïdes.

Un deuxième fait doit être rappelé : la carence en vitamine D peut fort bien se manifester, au moins à un stade précoce, sans lésions osseuses. En faveur de cette conception, s’inscrivent les travaux de HARRISSON qui, en 1958, obtient chez l’animal privé de vitamine D, mais avec un régime équilibré en calcium et en phosphore, un déséquilibre purement biologique caractérisé par une hypocalcémie et une normophosphatémie, sans aucun signe clinique ni radiologique de rachitisme. Ce n’est qu’à la longue, par suite de la diminution du produit de HOWLAND-KRAMER au-dessous de 3000, qu’apparaissent les signes osseux caractéristiques de la dystrophie rachitique. Ceci doit être rapproché des constatations que nous avons souvent faites chez le nourrisson et en particulier des états hypocalcémiques fréquents entre 2 et 5 mois chez le nourrisson carencé en vitamine D. Dès lors, la carence en vitamine D peut évoluer selon deux modes selon que la parathormone parvient ou non à relever la calcémie, primitivement abaissée. On peut observer soit un rachitisme modéré où seuls joueront l’abaissement du produit Ca x P (produit de HOWLAND-KRAMER) et d’autre part l’action directe de la carence vitaminique sur l’os et où les signes osseux seront seulement métaphysaires; d’autre part, un rachitisme grave comportant une ostéomalacie étendue à tout le squelette et où, aux mécanismes précédents, viendra s’ajouter la réaction parathyroïdienne qui décalcifiera l’os, utilisant le calcium à faire, ou à tenter de faire, remonter la calcémie et le phosphore à augmenter la phosphaturie, cependant que s’abaissera la phosphatémie.

3) Action de la vitamine D chez le rachitique. — Classiquement la vitamine D chez le rachitique a, comme action essentielle, de relever la phosphatémie et l’on estimait que ce relèvement de la phosphatémie avait pour risque corollaire, un abaissement de la calcémie.

Il ressort de ce que nous avons vu que cette action est fort peu probable car la vitamine D n’agit en aucun point directement sur les phosphates, sauf au niveau du rein, où précisément la phosphaturie a plutôt tendance à augmenter. Et l’on conçoit mal que cette action hyperphosphaturique puisse par ailleurs entraîner une élévation de la phosphatémie.

Il est plus simple et probablement plus exact de faire intervenir, là encore, les parathyroïdes. Le rôle essentiel de la vitamine D va être, en fait :

a - d’améliorer le produit de HOWLAND-KRAMER (Ca x P) en relevant directement la calcémie et indirectement la phosphatémie,

b - d’améliorer la réceptivité du squelette aux sels minéraux ce qui risquera d’abaisser temporairement la calcémie.

c - de freiner la réaction parathyroïdienne en relevant la calcémie et il est vraisemblable que ce sera là le mécanisme essentiel de la remontée de la phosphatémie.

Mais ceci nous amène à un point crucial autour duquel nous tournons déjà depuis un certain temps : la vitamine D est-elle hypo ou hypercalcemiante ?

4) Action de la vitamine D sur la calcémie. - On relève à se sujet les faits les plus contradictoires dans la littérature. Classique ment les données étaient simples : les doses minimes anti-rachitiques étaient hyperphosphatémiantes, d’où risques d’hypocalcémie et les doses fortes étaient avant tout hypercalcémiantes. PINCUS et GITTL EMAN, en 1954, constatent que de petites doses, de l’ordre de 6oo U, chez le nouveau-né au lait de vache entraînent une hypocalcémie et une hyperphosphatémie. Ils pensent que la vitamine D est capable d’inhiber la parathormone qui tendrait à remonter l’hypocalcémie physiologique des premiers jours et, dans les mêmes conditions, ils trouvent des différences importantes entre les enfants au lait de vache et les enfants au sein.

Dans un tout autre domaine, on connaît par ailleurs la possibilité de tétanie, peut-être même de morts subites, avec hypocalcémie intense à la suite d’administration brutale de fortes doses de vitamine D. Sur le plan expérimental, CRAWFORD et GRIBETZ ont observé que chez les rats parathyroïdectomisés, donc avec une hypocalcémie, et recevant un régime sans calcium, la vitamine D à fortes doses était capable d’entraîner une tétanie sévère et la mort.

Nous avons été amené nous-même avec Paul BERTHAUX à observer que dans certaines conditions expérimentales, l’administration de vitamine D aux rats parathyroïdectomisés était également capable dans certains cas d’entraîner une mort rapide, beaucoup plus rapide en tout cas que chez les animaux ne recevant pas de vitamine D.

Plutôt que de chercher à expliquer l’action hyper ou hypocalcémiante par une question de doses, il paraît beaucoup plus satisfaisant de faire jouer trois éléments : d’une part, le régime, d’autre part, l’état de minéralisation du squelette et enfin une fois de plus l’état de fonctionnement des parathyroïdes.

En ce qui concerne le RÉGIME, il est vraisemblable qu’un régime pauvre en calcium, ou contenant un calcium difficilement absorbable, a pour effet de faire prédominer l’action osseuse de la vitamine D sur l’action intestinale dont nous avons vu qu’elle exigeait toujours un temps de latence plus ou moins long. Il est alors possible d’imaginer que l’administration de vitamine D à des sujets ainsi carencés soit capable d’entraîner des risques d’hypocalcémie étant donné que l’action prédominante sera dans ce cas une fixation du calcium sur l’os. Les nouveaux-nés étudiés par PINCUS sont dans une période où ils doivent s’adapter au lait de vache et il est probable que dans leurs premiers jours, ils se trouvent dans un état de mauvaise absorption calcique ; la vitamine D qu’on leur apporte risque, là encore, d’agir sur l’os avant d’améliorer leur absorption intestinale du calcium. Finalement d’ailleurs, PINcus et GITTLEMEN ont constaté qu’au bout d’un certain temps après ce risque d’hypocalcémie ou même après une hypocalcémie quelquefois nette, la calcémie remontait à la normale.

L’ÉTAT DE MINÉRALISATION DU SQUELETTE représente le deuxième élément. Nous avons vu que le calcium était capable d’être mobilisé à partir du squelette par la vitamine D ou par la parathormone. Ce calcium mobilisable correspond à une fraction bien spéciale qui est souvent considérée comme le calcium échangeable de l’os. Si l’os est très déminéralisé, ce calcium échangeable est nul ou très réduit.

La vitamine D, logiquement, tendra à reconstituer ce stock échangeable avant d’y puiser pour chercher à augmenter la calcémie. Si l’on donne des doses minimes de vitamine D, seul le premier effet se manifestera mais il sera toujours très amorti, surtout si ces doses sont minimes et répétées laissant tout le temps à l’action intestinale de se manifester et par conséquent, d’augmenter la calcémie. Si l’on donne des doses fortes de vitamine D, l’effet sera plus brutal et à plus ou moins long terme, il aboutira à une hypercalcémie car l’os aura eu suffisamment de vitamine D pour reconstituer son stock calcique et sera capable secondairement d’en rejeter dans la circulation. Mais on conçoit d’emblée qu’il y aura des risques très importants d’hypocalcémie transitoire, risques qui pourront être dans certains cas brutaux et dont les conséquences seront toujours imprévisibles.

Le FONCTIONNEMENT PARATHYROIDIEN représente le troisième élément. L’incidence de l’hypoparathyroïdie éventuelle ne joue vraisemblablement que si le squelette. est déminéralisé. Certes AXELROD (1959) a publié des cas d’hypoparathyroïdie où la vitamine D est incapable d’augmenter la calcémie. En fait, si le squelette est normal, la vitamine D ne risque guère d’entraîner une hypocalcémie puisque les exigences osseuses sont minimes ou nulles. Mais si le squelette est déminéralisé et que par ailleurs le sujet est hypoparathyroïdien (ce qui correspond au cas du rachitisme hypocalcémique) de fortes doses de vitamine D risqueront d’entraîner un mouvement du calcium dans un seul sens, de la circulation vers l’os et par conséquent d’accentuer l’hypocalcémie.

En conclusion, il semblerait logique de redouter une action hypocalcémiante de la vitamine D d’une part si le tube digestif est pauvre en sels de calcium, d’autre part si le squelette est très déminéralisé, surtout s’il s’y associe une insuffisance parathyroïdienne.

En fait, tout est remis en cause par certains travaux récents :

RAOUL et GOUNELLE en 1959, frappés par le fait que l’action sur la calcémie de la vitamine D paraît indépendante de l’action antirachitique, ont cherché à tester l’action de nombreux lots de différentes préparations de vitamine D2 et D3, d’une part sur l’animal rachitique, d’autre part sur l’animal parathyroïdectomisé et, enfin, sur l’homme normal. Or ils ont eu la surprise de constater avec Mlle LE BOULCH et Mlle MARNAY, tout récemment, que certains lots avaient toujours une action hypercalcémiante que d’autres lots au contraire avaient toujours une action hypocalcémiante, et que cette action était indépendante de toute impureté car elle persistait après purification extrême du produit. Reprenant alors différents stérols à action vitaminique, ils leur font subir des cristallisations différentes en variant les conditions physico-chimiques, et dans ces conditions ils ont pu constater qu’en partant d’un même corps, les différents types de cristallisation successifs impliquaient une action tantôt hyper, tantôt hypocalcémiante d’amplitude exactement superposable. Ainsi, les préparations possédant des cristaux lamellaires avaient-elles toujours une action hypercalcémiante, alors que les préparations possédant des cristaux en aiguilles avaient des propriétés hypocalcémiantes. Ces constatations demandent évidemment confirmation, mais si elles se vérifient, elles remettent en question tous les modes d’action de la vitamine D en particulier sur la calcémie.

5) Vitamine D et parathormone. - Il est habituel de chercher à comparer les actions de la vitamine D et de la parathormone, dans certains cas de les opposer, dans d’autres cas de les associer.

P. COURVOISIER (1959) et les différents auteurs qui se sont attachés ces dernières années à éclaircir la physiologie parathyroïdienne aboutissent à des conclusions qui appellent quelques nuances.

Sur l’intestin, l’action de la vitamine D est certainement supérieure à celle de la parathormone bien que cette dernière facilite probablement l’absorption du calcium. Un synchronisme d’action n’est pas exclu. DOWDLE et SCHACHTER (1960) constatent que la parathyroïdectomie diminue l’absorption intestinale du calcium mais cette action n’apparaît pas si l’animal est carencé en vitamine D au préalable.

Sur le rein, la parathormone est toujours hyperphosphaturique si le tubule rénal est capable de répondre à la stimulation parathyroïdienne. La vitamine D, nous l’avons vu, est tantôt hypo, tantôt hyperphosphaturique. Il paraît y avoir un antagonisme entre la parathormone et la vitamine D en cas d’hyperparathyroïdisme. CRAWFORD (1957) constate qu’en cas de réaction parathyroïdienne physiologique, il y a augmentation de cet antagonisme entre la vitamine D et la parathormone. HARRISSON (1958) signale également que la réponse du rein à la parathormone est faible ou nulle en cas de carence en vitamine D. Nous voyons donc qu’il y a là une nouvelle cause d’erreur pour le test d’ELLSWORTH à la parathormone, l’action de cette dernière n’apparaissant chez l’animal carencé en vitamine D que si la vitamine D est administrée avant l’injection de parathormone. Ce test qui était déjà la source de nombreuses erreurs voit encore surgir une difficulté supplémentaire pour son interprétation.

Sur l’os, la parathormone a toujours une action déminéralisante jamais constructrice. Nous avons déjà vu que la vitamine D pouvait avoir une action sur la trame protéique de l’os et plus spécialement sur la polymérisation des mucopolysaccharides. Il s’agirait d’une action totalement opposée à celle de la parathormone. Ces faits ont été confirmés par GERSH en 1952. Dans d’autres cas, il est indiscutable que la vitamine D soit capable de mobiliser le calcium osseux.

Sur la calcémie enfin, la parathormone est touj ours hypercalcémiante, la vitamine D, nous l’avons vu, est à l’origine de discussions et de problèmes qui sont loin d’être résolus.

En conclusion, ce bref parallèle garde un très grand intérêt. Il met en lumière le fait, qu’à côté de la parathormone secrétée en principe régulièrement sans influences extérieures autres que les variations de la calcémie et de la phosphatémie, mais dont l’action sur l’équilibre phosphocalcique se fait toujours dans le même sens, la vitamine D dont l’apport peut être sujet à de grandes variations, a des modalités d’actions analogues mais beaucoup plus nuancées, sachant selon les cas se manifester en synergie ou en opposition avec la parathormone.

6) Action toxique de la vitamine D. - Nous ne reviendrons pas sur les diverses manifestations de l’hyperavitaminose D. Les travaux récents se sont essentiellement attachés à en préciser la physiopathologie.

A côté des intoxications manifestes par apport exagéré, il faut faire une part aux hypercalcémies idiopathiques qui amènent à se demander si dans certains cas, il n’y aurait pas une surproduction endogène de substances proches de la vitamine D mais possédant surtout une action hypercalcémiante. La constatation dans ces cas d’une cholestérolémie anormalement élevée serait en faveur de cette hypothèse, le cholestérol et ses dérivés pouvant d’ailleurs dans certains cas, comme l’ont montré certains travaux actuels, avoir des propriétés hypercalcémiantes.

Dans un autre domaine, celui des lésions dues à l’hyperavitaminose D, des travaux tout récents de GILLMAN (1960) soulignent que les lésions observées sont indépendantes de l’hypercalcémie de laquelle on a trop tendance à les rapprocher. Ainsi les minéralisations aortiques, myocardiques et coronariennes que l’on observe au cours de l’hyperavitaminose D persistent et évoluent alors que la calcémie est revenue à la normale après une élévation initiale. Cet auteur insiste sur l’importance de l’élévation des mucoprotéines sériques et tissulaires qui paraîssent être les témoins de l’hyperavitaminose.

On sait d’autre part que toute minéralisation a justement pour substrat les mucopolysaccharides retrouvés à la fois dans la trame protéique du squelette, dans les cavités urinaires au cours des lithiases et, d’une façon générale, partout où se produit une minéralisation physiologique ou pathologique.

Reprenant les travaux de DE LUCA en 1958 sur l’action inhibitrice de la vitamine D vis-à-vis du métabolisme des mitochondries rénales, SCARP ELLI tout récemment, à la suite de très belles études histochimiques, reconstitue ainsi la physiopathologie des lésions rénales de 11 hyperavitaminose D : A l’action toxique du calcium sur les mitochondries (SLATER 1952, HARMAN 1956) s’ajoute l’action directe de la vitamine D qui, ajoutés in vitro à une suspension de ces mitochondries, se montre capable d’inhiber leur métabolisme en bloquant un chaînon indispensable à la transformation de l’énergie cellulaire en une forme utilisable par la cellule. Il s’agirait semble-t-il d’une réduction des activités diaphorasiques diphosphonucléotides et triphosphonucléotides. Le blocage du métabolisme énergétique des diphosphonucléotides aboutit à une accumulation d’acide citrique, ce qui nous ramène, comme on le pense, à l’action de la vitamine D sur le cycle citrique. Peu de temps après le début des altérations des mitochondries, apparaîssent un grand nombre de granules PAS positifs dans le cytoplasme tubulaire, puis dans la lumière du tube. Les mitochondries altérées se montrent incapables de résorber ces granules, contrairement à ce qui se passe normalement. Ainsi s’accumule dans les cellules tubulaires et dans la lumière des tubes, une substance essentiellement apte à la minéralisation. Cependant que l’accumulation d’acide citrique forme avec le calcium, un complexe également favorable à cette minéralisation.

Ainsi se trouve démontré le mécanisme intime d’un des aspects de l’action de la vitamine D sur le rein et probablement sur d’autres tissus.