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vendredi 23 novembre 2012

INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA

INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA  CHEZ LE NOUVEAU-NÉ ET LE NOURRISSON


L’infection par le bacille pyocyanique n’est pas de connaissance récente : avant même l’isolement du germe par GESSARD en 1882, on connaissait l’existence de suppurations à pus bleu. FORDOS (1869 avait extrait le pigment bleu des linges de pansements souillés et avait étudié ses caractères chimiques.

Il s’agit cependant d’une question d’actualité, car on signale depuis quelques années une recrudescence des infections par le pyocyanique, particulièrement chez le nouveau-né et chez le nourrisson.

HISTORIQUE

Les premières observations cliniques et bactériologiques concernent des cas isolés. On peut rappeler les noms classiques d’EHLERS (1890: infection cutanée à type d’ecthyma térébrant), de NEUMANN (1891 : septicémie chez un nourrisson de 16 jours), de WILLIAMS et CAMERON (1896 : deux cas d’infection généralisée avec diarrhée et otite suppurée), de NOBECOURT (1898 : septicémie chez un nourrisson de 5 mois). La première “ épidémie “ est rapportée en 1901 par WASSERMAN, avec 4 cas d’infection ombilicale à pyocyanique chez des nouveau-nés.

En 1947, KERBY fait une revue générale des cas publiés. Il rassemble 91 observations (dont 39 enfants) avec présence de pyocyanique dans le sang, ante ou post-mortem. Depuis, les observations de cas isolés ou de cas groupés se sont multipliées. Cette multiplication
des cas coïncide avec l’ère des antibiotiques.

Voici une liste, non exhaustive, de publications récentes

- en France :

TURPIN et BOUREL                      1948
LEVESQUE et coll.                         1949
R. DEBRÉ et MOZZICONACCI    1950
R. CLÉMENT et MILLARD           1953
VERGER et BENTEGEAT              1955
SITBON                                          1957
CATHALA et MARTIN                  1960

- à l’étranger :

STANLEY (U.S.A.)                           1947
HANNA HIRSZFELD (Pologne)       1948 (14 cas)
DOUHA (Belgique)                            1956
EGGERS et WOCKEL (Allemagne)   1958
CHERNOMORDIK (U.R.S.S.)         1958
ASAY et KOCH (U.S.A.)                  1959


Cette dernière publication est particulièrement intéressante, parce qu’elle compare deux périodes dans le même hôpital de Los Angelès. En 1952, il y a eu 8 cas d’infection à pseudomonas dont 2 mortels. Par augmentation progressive, d’année en année, on arrive en 1957 à 152 cas dont 21 mortels. Ces chiffres illustrent l’importance du problème. A l’Ecole de Puériculture (Centre de Prématurés) il y a eu 6 cas en 1959, autant que pendant les 6 années précédentes (1953 à 1958).

BACTÉRIOLOGIE

Le pseudomonas aeruginosa (anciennement bacille pyocyanique, ou bacille de GESSARD) est un germe très mobile, grâce à un cil polaire, non capsulé, assez polymorphe. C’est un bâtonnet, tantôt court et grêle, tantôt court et trapu, parfois long et filamenteux. Ses dimensions, en longueur, varient entre 2 et 6 microns.
Il ne prend pas la coloration de GRAM.
Il pousse rapidement et abondamment sur les milieux ordinaires.

Les cultures dégagent une odeur aromatique (fleur de tilleul) ou putride. Deux particularités doivent être retenues :

1- Le pseudomonas aeruginosa a un fort pouvoir protéolytique il coagule puis liquéfie le lait ; liquéfie la gélatine et le cube de blanc d’oeuf. Cette action protéolytique est particulièrement marquée en milieu anaérobie.

2- Le pseudomonas aeruginosa a une fonction chromogène (bien décrite par GESSARD). Il secrète plusieurs types de pigments, dont les deux principaux sont la bactériofluoresceïne, jaune verte, et la pyocyanine, bleue, seule caractéristique de l’espèce. Le pouvoir chromogène est très précieux pour le diagnostic bactériologique. Il n’existe qu’en aérobie. Certaines souches perdent temporairement ce pouvoir, même en aérobie. On peut le faire réapparaître par certains artifices techniques.

On peut ajouter que le pseudomonas renferme des substances qui ont une action bactériostatique et bactériolytique vis-à-vis d’autres germes. Des produits à action  antibiotique en ont été extraits par de nombreux chercheurs. Mais les applications sont demeurées fort modestes.

Le pseudomonas est très résistant au froid et à la dessication. Il se défend très bien contre la plupart des antibiotiques. En revanche, il est sensible à la chaleur (détruit en 5 minutes à 6o degrés) et aux antiseptiques courants.

C’est un germe saprophyte, très répandu (eau, air, sol). On le trouve aussi sur la peau. Sa présence sur les muqueuses est plus rare.

Ce n’est pas un hôte habituel de l’intestin, comme les coliformes.
MOUSTARDIER ne l’a trouvé que 14 fois sur 116 coprocultures systématiques de nourrissons, alors qu’il trouve 106 fois des Escherichia Coli. NETTER et WEINTRAUB trouvent d’abord sur 143 cas, 6 coprocultures renfermant du pseudomonas. Puis, à partir de mai 1952, sans qu’aucun changement soit intervenu dans les techniques d’élevage et de soins, ce germe n’est plus retrouvé dans les selles qu’à titre exceptionnel.

Le pseudomonas aeruginosa fait partie d’une famille ubiquitaire les pseudomonadaceae. Il appartient à la tribu des pseudomonadeae.

La grande majorité sont des saprophytes inoffensifs. Certains jouent un rôle en pathologie vétérinaire. Mais les infections humaines ne proviennent pas de l’animal. La contagion est interhumaine, peu par l’air, surtout par les mains et par les objets. Il faut surtout faire
jouer un rôle important au terrain: le pseudomonas en règle générale n’est dangereux que pour les organismes débilités ou les sujets déjà malades.

Y a-t-il des souches de pseudomonas particulièrement dangereuses?


Différentes classifications ont été proposées, mais contrairement à ce qui s’est passé pour les colibacilles dont l’immatriculation a connu la fortune que l’on sait, elles ne sont pas entrées dans la pratique courante.

ÉTIOLOGIE ET PATHOGÉNIE DES INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA


Le pseudomonas s’attaque plus volontiers aux nouveau-nés qu’aux sujets plus âgés plus de la moitié des observations pédiatriques concernent des enfants de moins d’un mois. Parmi les nouveau- nés, les prématurés sont le plus fréquemment et le plus dangereusement atteints. Outre la faiblesse de leurs défenses, on a incriminé l’élevage en incubateur, notamment à cause de leur atmosphère chaude et humide.

Le pseudomonas vient volontiers compliquer une affection antérieure : brûlures étendues, leucose, fibrose du pancréas, hémorragie méningée. Il peut proliférer sur une plaie opératoire (antrotomie) ou surinfecter une méningite à autres germes (on l’a trouvé dans des
flacons de solution de pénicilline servant à des injections intra-rachi-diennes).

Le rôle favorisant de certaines thérapeutiques est incriminé cortisone (FORKNER), ACTH et, surtout, antibiotiques, spécialement la pénicilline, à laquelle le pseudomonas est radicalement résistant, si bien que la pénicillinothérapie le favorise par la suppression des concurrents.

On peut donc comparer le rôle du Pseudomonas aeruginosa à celui du Candida Albicans l’un et l’autre sont favorisés par tout affaiblis sement de l’organisme, par les autres infections et par les traitements antibiotiques. Comme le muguet aussi, l’infection à pseudomonas
peut être discrète si elle reste localisée. IVlais sa généralisation est extrêmement grave.

Dans la plupart des cas, les infections à pseudomonas sont sporadiques. Quelques cas se manifestent, disséminés dans le temps et dans l’espace, sans filiation directe. Cependant on observe parfois, dans des Maternités, dans des Centres de Prématurés, dans des services de brûlés, de véritables épidémies. VERGER et BENTEGEAT ont rapporté l’histoire de l’une d’elle3, survenue dans un service de prématurés de Bordeaux en juillet 1953. A la suite de l’admission d’un prématuré infecté, décédé rapidement de septicémie pyocyanique
avec manifestations cutanées, 19 prématurés ont été contaminés dans les mois qui ont suivi ; 4 seulement sont restés indemnes. Ces 19 enfants n’étaient pas de simples porteurs de germes. Tous ont accusé des anomalies ; 3 sont morts. Le service fut alors fermé, désinfecté. Depuis sa réouverture, il n’y a eu, en 2 ans, que quelques rares cas isolés, et, de plus, latents ou bénins.
Dans leur important mémoire, VERGER et BENTEGEAT ont colligé plusieurs publications, faites dans différents pays, sur des épidémies analogues. Il ne s’agit donc pas d’évènements exceptionnels, d’autant que toutes les épidémies ne font évidemment pas l’objet de publications.

Ce qu’il importe surtout de connaître, c’est le mode de transmission des bacilles pyocyaniques. Une transmission transplacentaire, une aspiration de liquide amniotique infecté (ou de mucosités vaginales) peuvent parfois être rencontrées. STOUGH, puis PENNESI ont rendu le pseudomonas responsable de la mort d’enfant in utero. Dans un cas de STOUGH, de nombreux germes furent trouvés dans le placenta et le pseudomonas a été cultivé à l’état pur à partir du sang des poumons et de la rate d’un enfant mort-né.

Dans la série de cas observés au Centre de Prématurés de l’Ecole de Puériculture de Paris (voir Tableau) une infection amniotique a été notée dans un cas (obs. 7). Dans un autre cas (obs. io) la mère était fébrile au moment de l’accouchement. Dans ces 2 observations,
ainsi que dans 2 autres (8 et 9), le déclenchement des troubles chez le nouveau-né a été très précoce, avant le 3e jour, ce qui est en faveur d’une contamination d’origine maternelle. Dans l’une des observations (no 8) les signes pathologiques existaient dès la naissance et
l’enfant est décédé à la 28 ‘ heure. Il avait une perforation gastrique, avec présence de pus dans le péritoine, où le pseudomonas était présent à l’état pur.

En général, le pseudomonas est apporté après la naissance par les mains des adultes, par des objets mal nettoyés, on a vu le rôle possible des incubateurs, dont la désinfection pose de sérieux problèmes.

La voie d’entrée peut être cutanée ou muqueuse (la plaie ombilicale joue un rôle important chez le nouveau-né). Le pseudomonas est parfois inoculé directement, à l’occasion d’une injection intramusculaire, d’une rachicentèse ou d’une exploration instrumentale.

L’infection peut rester localisée, créant des lésions in situ mais capables d’agir à distance (toxi-infection). Elle diffuse souvent par voie sanguine, entraînant des localisations multiples. Parmi ces localisations, l’atteinte des téguments et des séreuses sont parmi les plus fréquentes. Mais il n’est pas d’organe ni de tissu où le pseudomonas ne puisse proliférer.


ÉTUDE CLINIQUE

Les tableaux réalisés chez les enfants du premier âge par l’infection pyocyanique sont très polymorphes, tant par la variété des localisations que par l’importance plus ou moins grande de signes généraux. Entre le simple porteur de germes et le prématuré foudroyé en quelques heures par une septicémie à pseudomonas, tous les intermédiaires sont possibles. Au point de vue didactique, on peut décrire des formes généralisées et des formes localisées ; tantôt ces formes sont strictement localisées, tantôt il ne s’agit que d’une prépondérance clinique. Chez le prématuré surtout on découvre en général des lésions plus diffuses qu’on ne le pouvait soupçonner cliniquement : il s’agit alors d’infections généralisées avec une localisation prédominante.

1- Formes généralisées. - Leur début est en général rapide, sinon brusque. Elles se manifestent parfois au décours d’une première atteinte, réalisant une évolution en 2 temps, comme dans d’autres infections à bacilles gram négatif (R. CLÉMENT et coll.). La première atteinte est marquée par des troubles digestifs banaux, avec altération modérée de l’état général. Puis survient une amélioration trompeuse et, au bout de quelques jours, éclatent des accidents graves. Il est souvent difficile de savoir si l’épisode initial est déjà dû au pseudomonas ou s’il s’agit d’une autre infection qui a précédé et facilité la pseudomonose (R. DEBRÉ et MOZZICONACCI). Quoiqu’il en soit, les infections généralisées à pseudomonas se traduisent par des signes impressionnants adynamie, prostration, plus rarement agitation ; teint plombé, avec cyanose et refroidissement des extrémités. Les troubles digestifs sont banaux, avec parfois un ballonnement abdominal très important. Très souvent existe une déshydratation, avec chute de poids plus ou moins considérable. Chez le nourrisson, ainsi que chez le nouveau-né à terme, il y a en général une élévation thermique importante, réalisant une courbe irrégulière, ou même en plateau. Chez le prématuré, il n’y a pas d’hyperthermie, mais des difficultés de réchauffement, ou des irrégularités nécessitant de fréquents réglages du thermostat de l’incubateur. Il n’est pas rare de noter l’existence de sclérème.

L’examen peut déceler des signes de localisations, variables selon le cas et souvent discrets : signes respiratoires, signes péritonéaux, signes méningés. Au moindre doute, il faut faire une ponction lombaire (en pratique, on peut dire que ce doute existe dès qu’il y a une atteinte sévère de l’état général). Une localisation peut avoir aspect très particulier, permettant d’évoquer cliniquement le rôle du pseudomonas, c’est le tableau de l’ecthyma térébrant d’Ehlers.

Ces lésions cutanées peuvent se manifester n’importe où. Elles sont plus fréquentes sur le siège et les régions voisines. Au début, on voit de simples macules, un peu violacées, puis elles deviennent franchement ecchymotiques. Ensuite apparaît une phlyctène à contours hémorragiques ; celle-ci ne tarde pas à s’ouvrir, laissant apparaître une ulcération qui va creuser et s’étendre pendant plusieurs jours. On trouve facilement le pseudomonas par prélèvement local. Si le malade survit, ces ulcérations se nettoient et cicatrisent très lentement (image. 1).

INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA
image 1




Parfois les lésions restent au stade maculaire ou bien au stade bulleux, simulant alors une varicelle maligne. Plus rarement, on a affaire à quelques éléments punctiformes de purpura, qui n’est alors nullement évocateur. Enfin ce sont parfois des nodosités sous-cutanées. Les muqueuses sont touchées dans certains cas et l’on peut voir des plaques d’aspect diphtéroïde, ou nettement nécrotiques et perforantes.

Les autres anomalies sont plus rares et n’orientent guère le diagnostic. L’hypertrophie de la rate est peu fréquente et reste modérée.

Le foie est rarement augmenté de volume. L’ictère est rare chez le nourrisson. Chez le nouveau-né et chez le prématuré surtout, il est évidemment plus fréquent, mais il ne nous a pas paru très différent de l’ictère néonatal banal. Cependant, EGGER et WOCKEL, reprenant l’hypothèse de SACREZ sur le rôle des infections dans les ictères nucléaires du prématuré sans incompatibilité sanguine, pensent que le pseudomonas peut avoir sa part de responsabilité dans certains cas d’ictère grave néo-natal.

La formule sanguine montre tantôt une polynucléose, qui peut être très importante, tantôt une leucopénie avec hypogranulocytose. Ces deux formules peuvent se succéder, la diminution des polynucléaires étant alors du plus fâcheux pronostic. D’ailleurs la plupart des pseudomonoses généralisées ont une évolution fatale. L’hémoculture y est en principe positive. L’autopsie met souvent en évidence des lésions multiples des séreuses et des viscères, plus disséminées qu’on ne l’aurait cru d’après le tableau clinique où domine l’atteinte de l’état général.

2- Formes localisées ou à prédominance locale. - L’infection par le pseudomonas peut se localiser sur n’importe quel organe ou appareil. Le fait que le pyocyanique soit en cause ne donne pas en général de caractère particulier au tableau clinique, sauf éventuellement par l’aspect bleu verdâtre de la suppuration, lorsqu’elle est visible. De toute manière, c’est seulement la bactériologie qui permet de rapporter à sa cause exacte une méningite suppurée, une suppuration pleuro pulmonaire, une otite, etc...

MÉNINGITES. — Elles figurent parmi les localisations les plus fréquentes (5 fois sur 12 dans la série de DEBR et MOZZICONACCI, 6 fois sur 13 dans la série de l’Ecole de Puériculture). Tantôt l’atteinte méningée a une symptômatologie bruyante, avec convulsions, raideur ; tantôt elle est plus discrète ou même latente, révélée seulement par la ponction lombaire. Encore faut-il faire une réserve à ce sujet, puisque dans l’un de nos cas, le liquide céphalo-rachidien était normal et sa culture négative la veille du décès, alors que l’autopsie devait montrer des lésions évidentes de méningite suppurée.

Un cas particulier est représenté par la surinfection pyocyanique d’une méningite tuberculeuse ou d’une méningite suppurée à autre germe. Cette éventualité était fréquente lorsqu’on traitait les méningites par des injections intrarachidiennes répétées.

L’évolution de toute méningite à pseudomonas est très grave immédiatement. En cas de survie, on assiste en général à la constitution d’une hydrocéphalie ou d’une encéphalopathie chronique.

FORMES DIGESTIVES. — Elles méritent aussi d’être mises en vedette. Le plus souvent, il s’agit de diarrhée, accompagnée d’anorexie, de quelques vomissements et d’une déshydratation plus ou moins sévère. L’interprétation n’est pas toujours aisée. Il ne suffit pas en effet de trouver sur une boîte de Pétri ensemencée avec un fragment de selle quelques colonies de pseudomonas au milieu de nombreuses colonies d’autres germes, pour incriminer exclusivement ceux-ci ou ceux-là. S’il s’agit de cultures pures de pseudomonas, c’est un argument de poids, mais cette éventualité est rare. D’autres arguments peuvent être retenus pour envisager la responsabilité du pseudomonas. C’est parfois la couleur verte de la diarrhée, non pas le banal vert épinard de toutes les selles à transit trop rapide, mais une teinte vert bleuâtre, comparée à celle du vert de gris (rouille du cuivre). Tantôt c’est la selle elle-même qui est colorée, d’autres fois c’est une mousse glaireuse qui enrobe des fragments fécaux de couleur normale. La présence de sang ou de glaires sanguinolentes, réalisant parfois un syndrome dysentériforme (H. HIRSZFELD), est aussi un signe de suspicion. D’après notre expérience, l’apparition de glaires sanglantes au cours d’une diarrhée est d’un fâcheux pronostic chez le prématuré ; elle fait craindre l’existence des lésions ulcéro-nécrotiques, avec un risque de péritonite mortelle en quelques heures. Il semble bien que le pseudomonas puisse être responsable d’entéro-colite ulcéro-nécrotique. Certes, son rôle est rarement prouvé. Mais dans 2 cas au moins (6 et 12) il nous semble vraisemblable. L’une de ces observations comportait une appendicite nécrotique. Ce point mérite d’être souligné, car l’appendicite perforante à pseudomonas n’est nullement exceptionnelle (WEIDENMULLER ; HANNA HIRSZFELD). Une très intéressante observation de TEINTURIER concerne un nourrisson de 22 mois qui a pu être opéré et guéri, ce qui est rare.
Nous mentionnerons aussi la possibilité de péritonite après perforation gastrique Mais la pathogénie de ces lésions est mal élucidée. S’agit-il de nécrose locale due au pseudomonas ? S’agit- il d’une réponse à une atteinte nerveuse ? Nous nous bornerons à signaler que dans l’un de ces cas il y avait une hémorragie méningée et dans l’autre une méningite suppurée.

Il faut mentionner enfin la possibilité, assez fréquente, de péritonite sans perforation, où le germe est sans doute apporté par voie sanguine.

FORMES RESPIRATOIRES. — Les pseudomonoses avec atteinte grave de l’état général s’accompagnant volontiers de troubles respiratoires fonctionnels, sans lésions locales. On note alors l’existence de polypnée, ou à l’inverse, de crises d’apnée chez les petits prématurés. Mais nous voulons parler ici des formes à prédominance respiratoire, avec lésions pulmonaires et pleurales créées par le bacille pyocyanique.

Ces lésions pulmonaires sont connues depuis longtemps puisque WASSERMAN (1901) en a rapporté 4 cas, et que de nombreuses observations d’abcès nécrotiques ont été publiées depuis.

D’autres éventualités exceptionnelles, ont été rapportées
- trachéobronchite traînante et finalement mortelle chez 2 jumeaux (O’BRI EN).
- emphysème généralisée par lésion bronchique (TRAISSAC).

FORMES CARDIO-PÉRICARDIQUES. - Elles sont plus rares. Cependant la péricardite suppurée à pyocyanique est connue depuis l’observation de CHIARI en 1928. D’autres cas ont été signalés depuis (le plus jeune est un nouveau-né de 4 jours, observé par GRAHAM et MARTIN). La série de l’Ecole de Puériculture compte un cas où la péricardite était pratiquement la seule manifestation.

Une endocardite à pyocyanique a été rapportée chez un enfant de 2 mois par BLUM en 1899. Nous avons cru à deux reprises déjà rencontrer cette localisation, en présence d’un souffle piaulant apparu brusquement au cours d’une peusdomonose septicémique. Mais l’autopsie n’a pas confirmé cette hypothèse.

Nous signalerons enfin les lésions infarctoïdes du myocarde vues par R. CLÉMENT, GERBEAUX et CHAVELET chez un enfant de 7 semaines.

AUTRES LOCALISATIONS. — Les otites à pyocyanique sont loin d’être rares. Elles évoluent souvent d’une manière banale, mais peuvent se compliquer, soit à distance (septicémie d’origine otitique) soit localement, pa-nécrose du cartilage du pavillon, par nécrose des osselets, ou par antrite. On a signalé aussi la possibilité de surinfection d’une plaie d’antrotomie par le pyocyanique.

Les atteintes oculaires peuvent être redoutables. Certes il y a des conjonctives à pyocyanique qui guérissent facilement, surtout si elles sont traitées d’emblée par un antibiotique convenable. Mais la cornée est toujours menacée. Son atteinte entraîne au minimum la constitution d’une taie. Au maximum, elle est suivie d’une panophtalmie, avec fonte purulente de l’oeil, comme dans l’observation, chez un prématuré de 3 mois 1/2, convalescent d’ictère par hépatite.

Nous citerons encore, sans espoir d’être complet, d’autres localisations relevées dans la littérature
- suppuration de plaies ou de brûlures,
- gangrène sèche des extrémités (I observation de Milhit),
- abcès de la fesse, consécutif à une injection de pénicilline (DEBRÉ et MOZZICONAOOI). L’observation de TURPIN et BOUREL comporte aussi, entre autres, cette localisation.

- pyélonéphrites, avec coloration verdâtre des urines
- atteinte rénale (petits infarctus avec hématurie et albuminurie) signalée par H. HIRSZFELD
- orchite chez un prématuré de 10 jours (Mac CARTNEY
- abcès du foie (HIRSZFELD)
- ostéo-arthrite (CATHALA).

On voit la multiplication des localisations possibles. Elles peuvent s’associer de manières diverses, faisant la transition avec les formes généralisées. Chez le prématuré, il est fréquent de trouver une atteinte de plusieurs séreuses. Mais ces polysérites ne sont pas l’apanage du pseudomonas. C’est une forme habituelle de l’infection néo-natale chez le prématuré.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic des pseudomonoses es: tantôt très facile, tantôt très difficile.
Les formes septicémiques avec lésions cutanées nécrotiques sont très évocatrices. L’hémoculture, la culture de la sérosité des lésions cutanées mettent facilement en évidence le germe responsable. Il en est de même lorsqu’il existe une suppuration visible avec un pus coloré, bleu verdâtre. Lorsque la suppuration est -méningée ou pleurale, il peut être plus délicat d’en reconnaître l’existence si les signes locaux sont masqués par l’intensité des signes généraux. Mais si la localisation est reconnue ou soupçonnée, l’examen du liquide rachidien ou pleural montrera facilement la présence du pseudomonas.

A l’opposé, si le pseudomonas n’est mis en évidence que dans des cultures de selles, de mucus pharyngé ou même de lésions cutanées banales, on n’a aucune certitude quant à son rôle pathogène. Il peut s’agir d’une autre infection chez un porteur de pseudomonas saprophyte. Cependant, étant donné la gravité d’une menace de pseudomonose chez un enfant déjà malade, à plus forte raison s’il s’agit d’un prématuré, il est prudent d’agir comme si le pseudomonas était pathogène, c’est-à-dire d’administrer les antibiotiques convenables.
A côté des cultures classiques, il faut mentionner la culture de la moelle osseuse, qui, entre les mains de H. HIRSZFELD, a donné des résultats plus souvent positifs que l’hémoculture. Nous citerons aussi pour mémoire la possibilité d’étudier l’agglutination du pseudomonas par le sérum du malade. Cette posssibilité a été mise en évidence par CHARRIN et ROGE en 1889. C’était la première fois qu’était signalé le pouvoir agglutinant du sérum d’animaux infectés par une vis-à-vis de cette bactérie. Mais le petit enfant infecté par le pseudomonas, dans l’hypothèse où il survit, ne fabrique des anticorps que d’une manière inconstante et à des taux faibles. La valeur pratique de cette agglutination est donc très limitée.
C’est donc, en définitive, sur l’isolement du germe que repose le diagnostic, compte tenu de l’endroit où il a été trouvé, ainsi que du tableau clinique.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

Les observatiàns rapportées ici, concernant des nouveau-nés prématurés, rassemblent différents aspects des lésions causées par ce germe. Toutefois, lorsque la mort survient très rapidement, les lésions sont alors souvent peu intenses. Il faut signaler aussi que certains caractères et en particulier la note hémorragique fréquemment rencontrée, peuvent être en rapport non avec le germe mais avec k. terrain néo-natal.

Schématiquement on peut distinguer 3 groupes anatomiques :

1- le premier comprend les formes bénignes, où les lésions anatomiques sont pratiquement inexistantes. Il s’agit d’écoulements oculaires ou auriculaires, où le pyocyanique n’est reconnu que grâce à la culture systématique. Son rôle pathogène peut même parfois être discuté.

2- Le deuxième groupe est constitué par des lésions pyogènes réalisant souvent chez les prématurés, comme bien d’autres germes gram négatifs, une atteinte de séreuses (méninges, péricarde, plèvres, péritoine), une ou plusieurs séreuses peuvent être touchées. La coloration verdâtre du pus et des fausses membranes est un caractère précoce, visible sur des lésions encore à leur début. Mais en dehors de la couleur du pus, il n’y a aucun caractère anatomique spécial. Les lésions sont à la fois exsudatives et purulentes, avec des fausses membranes souvent bien développées. Les organes contigus (encéphale, myocarde, poumons, intestin) et les autres viscères, si fréquemment atteints dans les autres septicémies néo-natales (foie, rate, surrénales) sont en général ici remarquablement indemnes. Mais on peut constater bien entendu l’existence de lésions fréquemment rencontrées à cette période néo-natale, telles qu’hémorragies méningées, pulmonaires ou surrénales, membranes hyalines, anoxie hépatique, nécrose cérébrale, voire même ictère nucléaire.


3- Le 3me  groupe concerne les cas moins habituels, où la mort est survenue tardivement. On peut alors mettre en vedette le caractère nécrosant si particulier de ce germe. Habituellement il se trouve dissocié de la pigmentation: le pus des lésions nécrotiques, ces lésions elles-mêmes sont jaunes ou incolores, sans particularité.
Ce caractère nécrosant s’explique par le pouvoir protéolytique du germe, aboutissant à la fonte rapide des tissus, et par l’existence d’autre part de lésions vasculaires. Ces lésions sont surtout artérielles, plus accessoirement veineuses, responsables de lésions locales, ischémiques, et de lésions emboliques à distance.

Appendicite nécrotique au cours d'une septicémie à pyocyaniques
image 2



Le tissu détruit par la nécrose est éliminé plus ou moins rapidement, en fonction de la rapidité d’évolution, réalisant une perte de substance, avec ou sans suppuration associée. Selon l’importance et le nombre des vaisseaux intéressés par la destruction tissulaire une note hémorragique est absente ou présente.

Les limites de la perte de substance sont nettes, avec de minces bords nécrotiques ou fibrino-purulents et un très étroit entourage de polynucléaires. La démarcation entre tissu sain et détruit est franche.
L’extension de la destruction est variable : sur la peau, elle s’étend en surface et plus encore en profondeur, détruisant les tissus sous cutanés et musculaires, dénudant l’os et pouvant même l’attaquer. Dans les poumons se forment des abcès de petites dimensions, ronds5 bien limités, rapidement excavés.





Quant aux lésions intestinales que nous avons observées, le tableau en est légèrement différent. Certes, la lésion dominante reste la nécrose de la paroi intestinale. La suppuration intestinale ou péritonéale est alors au second plan. Mais la nécrose est du type ischémique, avec mortification sur place des tissus, non suivies d’élimination (image 2) Parfois, surtout au niveau de l’appendice, la paroi est réduite sur un ou deux centimètres à une mince membrane, à peine colorable, amorphe, où les noyaux ont disparu.

Ces lésions intestinales sont superposables à celles que l’on a décrit tes dans les entérites ulcéro nécrotiques du prématuré ; l’unicité de ce syndrome et des lésions semble relever, non des germes très variables, mais du terrain et spécialement des conditions neuro-végétatives. Dans les infections à pseudomonas on peut noter une particularité la rareté des ulcérations muqueuses.

Une autre particularité est représentée par l’importance de la note vasculaire. Elle est en général de caractère hémorragique, soit à distance, dans les poumons, à un âge qui n’est déjà plus la période néonatale proprement dite, soit locale, intestinale. Elle peut alors être

Entérocolite sans perforation avec péritonite purulente
image 3



Septicémie à pyocyaniques
image 4



isolée (lésions intestinales hautes) (image 3) ou associée aux lésions de nécrose en général localisées à la sous muqueuse. (image 4). Parfois les infiltrations hémorragiques débordent largement vers la muqueuse ou la musculeuse ; pour d’autres cas, la note vasculaire est donnée seulement par une distension importante des vaisseaux, veines ou lymphatiques, réalisant de véritables lacs, dont certains fourmillent de germes. (image 5). Enfin, quelques thromboses ont été observées, en plein centre de zones nécrotiques, ce qui rend difficile leur interprétation: elles peuvent,’ en effet, être primitives, responsables de lésions, ou à l’inverse, secondaires à celles-ci. L’absence d’altérations de la paroi est en faveur de cette dernière hypothèse.

Entérocolite à pyocyaniques avec péritonite purulente
image 5



En conclusion on voit que nulle lésion anatomique n’est pathognomonique de l’infection pyocyanique et que le diagnostic repose sur la bactériologie ; cependant certains aspects, inconstants, de nécrose et d’infiltrations hémorragiques doivent être retenus.

TRAITEMENT DE INFECTIONS A PSEUDOMONAS AERUGINOSA


Les résultats du traitement des infections à pseudomonas sont souvent décevants pour deux raisons
1-  la résistance du germe à la plupart des antibiotiques
2- la diffusion et le caractère nécrotique des lésions : même si l’on vient à bout des germes, il reste dans l’organisme des tissus nécrosés hautement toxiques. Il faut donc commencer le traitement très tôt, avant la constitution de la nécrose.
La base du traitement est l’antibiothérapie, mais le choix des antibiotiques est difficile. La nécessité de ne pas perdre de temps oblige à se décider avant de connaître les résultats de l’étude in vitro de la résistance de la souche isolée. Dans tous les cas, la pénicilline est inefficace et, on l’a vu, peut être nuisible. La streptomycine a obtenu de grands succès au début mais on a vu apparaître rapidement des pseudomonas résistants à la streptomycine et même streptomycino-dépendants (ALEXANDER et coll.). En 1954, L. MOLLARET et WARLUZ EL ont réhabilité les sulfamides et spécialement le vieil 1162 F (sulfanilamide), ce qui fut confirmé par VERGER et B ENTEGEAT.

En fait, c’est la polymyxine B qui a donné les meilleurs résultats. Mais c’est un antibiotique toxique, et il ne peut être employé par voie générale qu’à faibles doses (2 milligrammes 5 par kilogramme et par jour). On emploie en principe la voie intra-musculaire, mais la gravité des formes générales peut autoriser la voie intra-veineuse

(HEFFNER et SMITH ; TUPIN). Il faut surveiller de près les fonctions rénales. La polymyxine peut aussi rendre de grands services par son action locale ; elle est souvent efficace sur les pseudomonas du tube digestif, car on peut l’employer à fortes doses par voie buccale (10 milligrammes par kilogramme de poids), puisqu’elle ne franchit pas la barrière intestinale. On peut s’en servir aussi en applications oculaires ou auriculaires ; le collyre à la polymyxine est formellement indiqué dès que l’on soupçonne qu’une conjonctivite peut être due au pseudomonas. Enfin, dans les méningites, on a utilisé parfois, non sans appréhension, la voie intra-rachidienne (1/2 à i milligramme).

Mais on voit déjà apparaître des souches résistant à la polymyxine (parmi les 3 dernières souches isolées à l’Ecole de Puériculture, l’une était résistante et les deux autres peu sensibles). Pour l’instant, l’antibiotique qui nous semble le mieux adapté à la lutte contre le pseudomonas est la colimycine, qu’il ne faut pas hésiter à employer à fortes doses (au moins 100.000 unités par kilo et par jour, réparties en 3 injections intra-musculaires). CATHALA et MARTIN ont montré l’intérêt de la colimycine dans un cas où la polymyxine avait échouée.
Comme traitements adjuvants, on a préconisé :

- les injections intramusculaires de gammaglobulines,
- le recours à de petites transfusions,
- l’emploi de bactériophages adaptés (BERTOYE et COURTIEU).

En revanche, il faut se défier des dérivés de la cortisone. Leur action est pourtant remarquable dans certaines toxi-infections sévères. Mais, avec le pseudomonas, les risques de nécrose et de perforation digestive sont particulièrement menaçants.
Bien entendu, les perfusions veineuses, l’oxygénothérapie, les analeptiques, seront prescrits chaque fois qu’il y aura lieu de s’opposer au symptôme précis que chacun de ces traitements peut combattre (déshydratation, cyanose, collapsus).
Les traitements locaux éventuels (oculaire, otologique) relèvent des spécialistes ; de même que le chirurgien est sollicité lorsqu’on soupçonne une péritonite. Mais il a rarement l’occasion d’intervenir à temps.
La meilleure thérapeutique consiste évidemment à protéger les prématurés, les nouveau-nés, les nourrissons malades, brûlés, opérés, contre le pseudomonas. La faible résistance de ce germe aux antiseptiques, dont le plus simple est le savon pour le lavage des mains, sa destruction facile par la chaleur, sa diffusion assez limitée dans l’air, permettent en général de limiter son extension. Les cas sont sporadiques, à intervalles éloignés, reliés par des porteurs de germes, qu’il faudrait dépister et isoler. Mais qu’une faille se produise, par lassitude, dans la routine monotone de la discipline aseptique et des catastrophes peuvent se produire. Il faut redouter le pseudomonas.